Un billet d’humeur est un écrit où la bonne et la mauvaise foi, la subjectivité dominent. Bref lecteur qui arrive ici, sache que cela est uniquement la vision d’un être humain

Le contexte
Depuis 2014, je suis fondatrice associée au sein de LVnextcentury. La structure a pour objet d’accompagner les entreprises dans leur ambition africaine, c-à-d. les soutenir dans leur développement sur les marchés ou/et auprès des diasporas africains.

Quelle société peut bien vouloir aller en Afrique ?
Réponse : Des sociétés non africaines comme Google, Canal plus, China Corporation… et africaines (diasporas comprises) comme Orabank, AFROSTREAM…

Pour répondre à cette ambition, LVnextcentury leur propose des solutions

Quelles solutions ?
Réponse : Des solutions pour recruter des cadres aux compétences africaines pour le(s) pays où elles en ont besoin (AFRI-EMPLOI.com) et pour bâtir leur stratégie digitale à détecter des clients/utilisateurs

Vous l’aurez compris, les clients sont sur tous les continents, la structure a une vocation internationale.

Mais il y a des gens qui utilisent AFRI-EMPLOI.com ?
Réponse : Début novembre, nous avons atteint notre 71000ème fan sur la page facebook AFRIEMPLOI (dans 45 pays) et depuis la fin du mois d’octobre un des plus grands éditeurs de logiciels de gestion français diffuse son offre de business developper pour l’Afrique francophone

La complexité pour une entreprise sur les marchés émergents
Le désintérêt de la multitude est notre lot quotidien. Comme toutes les start-ups, nous avons fait le tour des organisations qui « soutiennent l’innovation ».
Le moins pire des retours est le désintérêt lié à la méconnaissance de l’importance du continent africain pour l’économie mondiale. Le pire est le dédain. Tout le monde a le droit de se désintéresser mais se montrer dédaigneux est – de mon point de vue – non professionnel.
Le désintérêt est fréquent pour les premiers acteurs des marchés et des solutions émergents. Je me souviens en 2005 avoir rencontré un fondateur qui m’expliquait le Cloud et sa difficulté à faire financer son projet car sans avenir d’après les structures sollicitées. Il est parti sous d’autres cieux (racheté), le cloud est partout… et lui sur son île.

Websummit or not Websummit
Le programme Alpha, c’est bénéficier jusqu’à 4 tickets d’entrée et d’un mini stand d’1m² pour une journée pour le prix d’un ticket et demi.
Entre le coût (environ 2000 €), un écosystème anglophone (could you repeat, please?), le logement et le vol, les visas… la question se pose. Vu notre business, le WebSummit est l’occasion de confronter notre business à la réalité du monde.

Et l’accompagnement de la France pour la centaine de sociétés qui ont dit oui au Websummit ?
Comme il est probable que cet article soit lu par des start-ups l’an prochain en recherche d’informations, je serai précise… et désagréable. Pour résumer, rien à attendre. Il faut essayer et essayer encore, dans 10 ans ils auront l’idée de mieux intégrer les Alphas.
Mon avis est tranché et je ne suis pas la seule… NDLR : Les 9 coeurs ne viennent pas de mes comptes 🙂

twitter-frenchtech

La décision prise de participer au WebSummit, je me suis renseignée auprès de Business France et la FrenchTech, s’ils avaient négocié des tarifs groupe. Si les start-up pouvaient économiser 10% du prix de l’hôtel ou du vol, cela aurait été un petit moins sympathique.

Trois semaines à me faire balader d’un service à l’autre, avec des réponses de plus en plus dédaigneuses : « vous n’êtes pas dans la sélection », « vous savez ils prennent n’importe qui en Alpha », « il fallait penser à votre financement avant d’accepter ». La dernière remarque est particulièrement bienvenue de la part de quelqu’un dont tous les frais de déplacement sont payés par l’état français. Oui, ces phrases proviennent des mêmes unités qui dans la presse se glorifient du nombre important de structures françaises à Dublin. Au final, mon expérience est que si les start-up françaises veulent s’internationaliser, il faut qu’elles se débrouillent et paient cash.
Nous (les Alphas) avons été toutefois conviées avant le départ à une réunion pour expliquer le dispositif FrenchTech à Dublin. Vous me connaissez, j’ai mis les pieds dans le plat : « où sont les pavillons des autres pays ? » Sous-entendu, je viens faire du business et j’aimerai rencontrer d’autres nationalités… Silence gêné, puis la réponse : « il n’y a que la France qui a un pavillon ». Vous imaginez bien que c’est faux. Bref, cela nous a donné l’impression que pour le business à l’étranger, nous allions faire sans eux et ce fut le cas…

Pour résumer ce que j’ai compris de cette soirée (mais j’ai une compréhension très limitée de la langue de bois) : nous devons essayer d’être en forme pour le stand, de bien choisir la localisation de notre hôtel (la réunion avait lieu deux semaines avant le départ…) et nous sommes priés de venir chercher des figurines FrenchTech et les mettre sur nos stands (oui, sur les stands que nous avons payés avec notre argent, nous les sans-grades du web, les petits, les moins que rien… bref les créateurs de start-ups). Un mini-groupe facebook, aucun intérêt pour nos business, un livret conçu à la va-vite (les dates sont fausses et dans la liste des doublons de sociétés). Vous imaginez la déconvenue des start-ups venues à la soirée. Tous, nous misons notre temps et notre argent sur l’événement ; le dispositif FrenchTech c’est comment les valoriser eux et leur choix d’entreprises. Heureusement, nous avons pu échanger entre Alphas et par la suite discuter dans les allées du WebSummit.

Pire est-ce possible ? En France, rien d’impossible… alors à Dublin…
La soirée à Dublin fut pour moi mémorable et je pense également pour les startuppers croisés une heure après son début à l’arrêt du tramway. Le WebSummit, c’est 40000 personnes sur un espace gigantesque. Vous marchez toute la journée dans un essaim d’abeilles.
Le goût français n’est jamais apparu durant cette soirée : une salle bondée, tous debout, des pitchs inaudibles – et comme m’a fait remarquer un autre startupper – l’arrogance française, elle, était bien là : un entre-soi clairement affiché (découvrir les autres, mais quels autres ?)
Évidemment, j’ai eu le malheur d’aller me renseigner sur le déroulement de la soirée, si d’autres choses étaient prévues. Une personne peu aimable arrive et en voyant mon badge fait une moue dédaigneuse : « ah, oui, LVnextcentury…»
Là, dans ma tête, j’ai envie de la prendre à part ; je reste sereine et pars profiter de Dublin by night. Je n’ai pas payé ce voyage pour découvrir les prisons irlandaises.

Le websummit, le rêve pour les sociétés qui visent les marchés émergents.
Je suis partie à Dublin sans objectif. Je croisais des start-ups qui me disaient leur ambition d’intéresser des investisseurs. Moi, vu le manque d’intérêt des fonds français pour les start-ups avec un business lié à l’Afrique, je partais avec seulement l’envie de voir si le monde (et quelle partie) serait intéressé par notre solution.

Le vol
En attendant l’avion, j’ai fait la connaissance avec un fondateur sud-américain. Il a une société très connue en Amérique latine et plus d’une vingtaine de salariés. Il est venu en force au Websummit. Avec mon anglais approximatif, j’évoque LVnextcentury. Il me regarde. Dans son entourage, beaucoup évoquent des projets africains. Premier bonus du Websummit. Échange de cartes, de liens…

Le stand
Heureusement, j’ai eu le stand le mardi (1er jour de salon). Le mercredi est soi-disant le meilleur jour, mais là j’étais en pleine forme et non pas « rincée» comme ceux des autres jours. Je suis arrivée à 9:00 et partie à 17:00. A Dublin, 16:30/17:00 c’est la fin du salon. Mes pieds en ont été reconnaissants. Au stand, debout, pas l’ombre d’une chaise. Autour de moi, des Grecs, des Américains, des Indonésiens, des Indiens… Tout le monde est sympa et me pose des questions sur la croissance africaine.
stand-lvnextcentury

J’ai eu vingt visites dont 4 représentants de fonds d’investissement : des Russes, des Allemands, des Indiens et des Canadiens. Il y a aussi un Libanais qui investit pour le Middle East, qui s’est arrêté par curiosité. Trois, après une rapide discussion (2 minutes en moyenne par contact) ont scanné directement le QR code pour télécharger la présentation, un autre m’a demandé de lui envoyer et m’a donné sa carte (un des plus grands cabinets de conseil au monde). (NDLR Cette semaine, nous avons eu droit à une réponse suite à notre envoi). Bref, des marques d’intérêt, aboutiront-elles à quelque chose de tangible ? C’est un salon. Il faut rester sur terre. Le produit commence doucement son envol aux 4 coins du monde. Les autres contacts représentaient des entreprises en pleine réflexion sur l’Afrique (du Brésil en passant par l’Inde et le Canada).
Devant mon stand, sont passés des fonds d’investissements français très connus. A peine, voyaient-ils le mot « Africa » sur mon panneau qu’ils fuyaient… Un s’est même retourné deux fois pour être certain de ce qu’il avait lu…

Sinon, j’ai été étonnée : Amazon Services a envoyé ses commerciaux faire le tour des Alphas pour vendre leurs produits… Évidemment, vous imaginez bien que tous les Alphas ont payé le stand pour acheter des services Amazon.

A la différence de mes voisins, je n’ai pas eu de curieux. Le terme Africa sur votre pancarte est un filtre puissant contre les casse-pieds. Je voyais les autres se débattre avec des personnes qui leur demandaient de voir le code, comprendre la structuration technique… J’en ai discuté avec mon voisin américain. Il trouvait lui aussi très culotté de demander ce genre de choses, soit la solution a un avantage et après lors des rencontres complémentaires le détail sur la technique (impacts sur le SI client), soit le curieux fait de l’intelligence économique. A priori, certaines sociétés voient le Websummit et les Alphas comme une gigantesque R&D gratuite.

Mon stand était basé dans la section entreprises (et non RH), juste à côté du money summit (fintech), cela a sans doute influencé le profil des visites.

Le coaching
Le websummit permettait aux plus rapides à s’inscrire de bénéficier du « Coaching Hours ». Grâce à mes insomnies pré-Websummit, je fus une des plus rapides, j’ai obtenu 15 minutes avec un expert des fonds d’investissement. Il connaissait bien les US mais pas les spécificités Afrique. Il se plaint : « pourquoi ne proposez-vous pas un me-too linkedIn ? » Je lui explique les réalités terrain. Il m’écoute doctement « amazing…, amazing » et je le sens noter dans sa tête les éléments que je lui donne. Il m’indique que c’est fini et qu’il n’a pas eu l’impression de m’avoir aidée, je le rassure, il m’a confirmé deux, trois choses et fait penser à une quatrième.

Les dîners, Dublin by Night
Avec mon emploi du temps, j’ai un peu de mal à savourer les soirées en ville. Difficile d’être une convive sympa, quand des idées pour vos business se bousculent dans votre tête et que vous écrivez sur votre calepin au lieu de participer à la conversation **passionnante** sur « Laissez acheter des posters de Justin Bieber à son adolescente de 11 ans est-ce raisonnable ? ». (NDLR : A cet âge, je n’avais pas d’argent de poche et pas de poster d’adulte à demi-nu…).
Au Websummit, cela fait partie du job. Vous devez sortir avec vos contacts pros. Vous vous installez dans un resto sympa. Vos voisins sont suisses. Vous discutez, ce sont des alphas. En entendant vos produits, ils vous racontent que dans leur ancienne boite, pendant un an, les RH ont cherché quelqu’un pour développer des projets en Afrique et que bien sûr votre carte part chez leur ami RH.
Voilà, ça c’est Dublin by Night.

Les autres jours
J’ai pu me balader dans les allées du WebSummit.
Le listing des entreprises en Afrique était court. J’ai pu voir celles du Nigéria (naijastudentroom.com, réseau de location pour étudiants) et du Ghana (enyinamtech.com, une nouvelle forme de turbine silencieuse pour particuliers et entreprises). Le retour était très positif sur AFRI-EMPLOI.COM. Ils ont hâte de le voir dans leur pays. Nous sommes pour l’instant en français.

naija student room
enyoman

J’ai eu surtout le culot de me présenter à des grands stands, comme celui de Facebook, Google, Salesforce… Le personnel à leur stand sont des commerciaux, et plus rarement des techniciens, alors les présentations avec une pincée de SOAP… Vu que j’étais avec un truc « pas comme les autres » et « pas ch*** », ils ont été plutôt gentils, naturellement ils ont proposé de relayer ma carte aux RH. C’était aimable de le dire, si un seul des trois le fait, cela sera déjà beaucoup 🙂
J’ai été aux stands des sociétés françaises sélectionnées par la FrenchTech. Les plus chanceuses étaient là lors de la visite de la secrétaire du Numérique. J’ai pu rencontrer les sociétés Beloola (immersion 3D) et Qwant. Il s’agit de mon moteur de recherche chouchou, certains étudiants s’en souviendront cela a été leur sujet d’examen pour le mastère en stratégie digitale.
Puis, je suis allée au pavillon FrenchTech (enfin du stand…), comment résumer l’accueil ? Ah oui…
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Bilan
Je me suis inscrite à la prochaine édition qui aura lieu à Lisbonne. Ils ont des tickets gratuits pour les femmes.
Que les contacts aboutissent ou non, le fait même que les retours aient été positifs de la part des entreprises, que les personnes ont immédiatement vu l’intérêt pour leurs structures ou pour eux, cela a été un vrai plus. Notre positionnement est correct, le besoin existant, il nous faut être plus visible auprès de ceux que cela intéresse. Nous avons déjà commencé à avoir des contacts hors WebSummit liés à l’événement, cela donne du crédit à la structure.
Pour résumer, futur Alpha compte sur ta bonne étoile et sur elle seule, elle te guidera !

Un commentaire sur “Websummit Dublin 2015 : retour d’une start-up Alpha (billet d’humeur)”

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